Rébecca Mai
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H abit Rouge de Guerlain, c’est le parfum que Barbara a offert à Roland Romanelli pour ses 21 ans. A peine arrivé à Paris, le jeune accordéoniste et pianiste est engagé par la dame en noir pour la suivre en tournée en Italie. Il doit apprendre trente chansons en vingt-quatre heures ! Ce souvenir, et bien d’autres, le musicien les raconte avec émotion et pudeur dans un spectacle unique où il rend hommage à cette personnalité hors norme. D’elle il a appris la vie, la musique et l’amour. En 1967, il est accompagnateur de Colette Renard et de Mouloudji, tandis que Barbara est une auteure-compositriceinterprète en pleine ascension, issue du cabaret, comme Brel, Brassens, Piaf ou Ferré. Leur rencontre sera à la fois amoureuse – huit ans de vie commune – et professionnelle – vingt ans sur scène ensemble. Elle est joliment évoquée dans ce spectacle musical grâce à une concentration de talents : la mise en scène d’Eric-Emmanuel Schmitt qui restitue l’univers de Barbara (le grand piano noir, le fauteuil à bascule), les superbes éclairages de Jacques Rouveyrollis, qui a souvent « habillé » la grande dame brune, les interprétations magistrales de Roland Romanelli au piano et à l’accordéon et de Jean-Philippe Audin au violoncelle. Enfi n Rébecca Mai, chanteuse amoureuse du répertoire de Barbara. Entre les confi dences de Roland, qui est devenu son compagnon, et des extraits d’interviews, souvent drôles, données par Barbara, Rébecca reprend vingt de ses plus belles chansons : « Nantes », « Vienne », « Göttingen », « Une petite cantate », « Dis, quand reviendras-tu ? »… Elégante, raffi née, cette ancienne danseuse classique devenue comédienne et chanteuse n’est jamais dans l’imitation. Elle interprète avec un plaisir évident celle qui fut en osmose avec son public et composa pour lui « Ma plus belle histoire d’amour ». Pour conclure l’hommage à ce monstre sacré, « L’Aigle noir » s’imposait. Rébecca la revisite d’une manière superbe, avec les Chœurs de France qui donnent de la voix depuis le fond de la salle.
Spectacle musical. Barbara, la grande amoureuse au Théâtre Rive Gauche à Paris
Compagnon à la scène comme dans la vie de la chanteuse qui l'engagea tout jeune, il évoque en détails cette rencontre à la fois fulgurante et douloureuse qui s'acheva brutalement au bout de vingt ans dont huit de vie commune. Pour incarner Barbara, il a choisi sa compagne d'aujourd'hui, Rébecca Mai, qui se fond avec pertinence et un brin de fantaisie dans les habits de « La Dame en noir », devenant ainsi « la femme de son présent incarnant la femme de son passé ». Cela donne un joli récital d'une heure, entrecoupé d'anecdotes, de petits drames, d'éclats de rires qui composent le portrait éclaté d'une sorte de diva, égocentrique, exclusive, coléreuse, consumée par son métier.
Un kaléidoscope d'émotions et de sentiments
Mieux qu'une simple rétrospective, Eric-Emmanuel Schmitt signe une mise en scène sensible en forme de relecture d'une vie et d'un répertoire où s'entremêlent, comme dans un kaléidoscope, les émotions et les sentiments liés à des chansons intemporelles comme « La petite cantate », «Ma plus belle histoire d'amour», « La solitude », « Göttingen ». Au lever de rideau, sur les premières mesures de « L'aigle noir », Roland Romanelli, longue crinière blanche de druide et timidité à fleur de peau, raconte son premier rendez-vous avec Barbara au Moulin de la Galette, à Paris, en mai 1967. Il avait à peine vingt ans. Pour fêter leur rencontre, elle lui offrira un parfum, « Habit rouge » de Guerlain, ce qui lui vaudra le surnom de « L'homme en habit rouge » - le titre du spectacle. Premier baiser.
" Vienne ", " Nantes "...
Accompagné par Jean-Philippe Audin au violoncelle, il s'efface ensuite derrière la belle voix fluide de Rébecca Mai qui, sans l'imiter, parvient à restituer les intonations, les effets, les aigus, le lamento de son modèle. C'est le temps d'une chanson méconnue, « La gare de Lyon » (1964), puis de quelques autres, tout aussi belles et mélancoliques, « Toi » (1965), véritable déclaration d'amour à son jeune accordéoniste et amant qui lui composera « A peine » (1970) que Rébecca interprète allongée sur le piano, ou encore « Vienne « (1972) . Suivent d'autres pépites comme «Nantes » et ses mots anodins (1963) : « Donne-moi la main, Le ciel de Nantes, Rend mon cœur chagrin ». On entend aussi en playback la voix fragile et comme suspendue dans l'air de Barbara. On revoit furtivement son visage, sa silhouette tout en noir sur des photos, et ce fameux rocking-chair chair qui ne la quittait pas. Les anecdotes sur Barbara s'enchaînent : ses caprices, ses tourments, ses coquetteries avec son éclairagiste Jacques Rouveyrollis, son perfectionnisme aussi.
Le couac Depardieu
Tout s'achèvera entre eux à cause d'un spectacle médiocre de Barbara avec Gérard Depardieu, « Lilly Passion », qu'il ne trouvait pas bon – à juste titre. Dans le métier, on appelle ça un couac. Rébecca le gomme vite avec sa dernière chanson, « Ma plus belle histoire » (1966) , suivie d'une belle version chorale de « L'Aigle noir ». Ainsi fut Barbara, solitaire et grande amoureuse, toujours en quête, comme son ami Brel, de «l'inaccessible étoile ».